Voilà bien un illustre inconnu. L’un de ces scientifiques dont l’invention a été oubliée pendant des dizaines d’années, mais à laquelle on se réfère maintenant, compte tenu de ce que l’on est confronté, pour des questions de sécurité, aux objets mathématiques réputés impossibles à traiter, comme la factorisation des nombres entiers.

C’est à ce problèmes qu’Eugène Carissan et son frère Pierre, se sont attaqués, la factorisation des nombres entiers, sachant qu’il est réputé impossible à résoudre si ces entiers sont très importants.
Eugène Carissan était militaire de carrière et c’est dans ce cadre qu’il a imaginé dès 1912 une machine qu’il a dotée de roues dentées, compteurs et autres manivelles, capable de faire ce travail. Il s’était fondé et son frère, mathématicien de son état, l’avait beaucoup aidé, sur le constat émis au début du XVII ième siècle par Jean de Fermat, qu’un nombre N à factoriser peut toujours s’écrire, sous la forme d’une différence de 2 carrés : N = x2 – y2 ou celle d’un produit (x-y)(x+y).
Ainsi pour calculer les facteurs de 45, il faut tester toutes les valeurs de x dont le carré moins 45 (y2 = x2 -45) est lui-même un carré parfait, qu’il "suffit" ensuite d’extraire…
C’est ce calcul que faisait la machine de Carissan, présentée en 1919, à la sortie de la première guerre mondiale, mais qui n’a cependant pas intéressé grand monde, puisqu’elle a été oubliée dans un tiroir pendant plus de 50 ans.
Aujourd’hui, elle a trouvé sa place au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, Carissan ayant, sans le vouloir, été le premier scientifique à tenter d’automatiser le calcul des facteurs premiers d’un grand nombre à vocation sécurité, tel qu’on le trouve, par exemple, dans l’algorithme RSA de cryptographie et dans d’autres systèmes dont la vocation est de protéger quelque chose.
Merveilleuse machine, donc, qui témoigne de l’esprit inventif et curieux de ces personnages du siècle dernier, pour qui il n’y avait pas d’obstacle insurmontable.
Le seul inconvénient de la machine de Carissan était que pour obtenir les facteurs d’un entier N, il fallait tourner la manivelle un certain nombre de fois, qui dépendait de la taille du nombre. Avec 13 chiffres, cela demandait 18 mn, mais pour des nombres très élevés, il aurait fallu des semaines entières de manivelles… De quoi se lasser !