Bien qu’Andrew Bobeck ait été impliqué dans de nombreuses découvertes marquantes dans le domaine de l’électronique, c’est curieusement pour une technologie qui n’a quasiment jamais été appliquée, les mémoires à bulles, qu’il restera dans l’histoire.

Andrew Bobeck est un américain exemplaire. On allait presque dire caricatural, tant le personnage était lisse, bien-pensant, on allait presque dire standard. Pour nous, il est surtout le symbole de l’inventeur qui n’a pas eu de chance, dont plusieurs des idées majeures ont été balayées par d’autres solutions innovantes.
Il est, par exemple, l’un des acteurs qui ont fortement contribué au développement des mémoires à tores, celles qui équipaient nos premiers ordinateurs de 3ème génération. Les mémoires à tores étant constituées d’alignements de petits anneaux parcourus par un courant électrique, celui-ci générant dans le tore un champ magnétique dont l’orientation témoignait de ce qu’il s’agissait d’un "1" ou d’un "0".
Les inconvénients de ces mémoires étaient nombreux, des coûts de fabrication élevés, avec des procédures très manuelles, une faible densité, incompatible avec les besoins naissants et une lenteur de fonctionnement, tout à fait rédhibitoire.
Andrew Bobeck est aussi l’inventeur d’une forme proche conceptuellement des mémoire à tores, les twistors, qui sont constitués de petits morceaux de bandes magnétiques, enroulés autour d’un câble conducteur, que l’on utilisera par exemple pour fabriquer des mémoires ROM et des "piggyback twistor"., leur version reprogrammable.
On notera au passage que cette technique de l’enroulement d’une bande magnétique sera exploitée, dans ce qui sera le fleuron d’Andrew Bobeck, les mémoires à bulles.
Pour ce qui est des twistors, ils seront balayés par les mémoires à semi-conducteurs au début des années 70. Pas de chance.
Heureusement, il y a eu les mémoires à bulles.
Celles-ci exploitaient un phénomène magnétique curieux, qui se produisait sur des alliages ferromagnétiques tels que les orthoferrites (des alliages de terres rares), ceux-ci présentant un magnétisme hétérogène, certaines zones (les domaines) étant polarisés dans un sens et le reste dans l’autre. De plus, soumis à un champ magnétique ces domaines, appelés "bulles", se rétrécissaient et pouvaient être déplacés le long d’un axe prédéterminé, tout en conservant leur magnétisme propre.
C’est à partir de là qu’Andrew Bobeck et son équipe aux Bell Labs a conçu une mémoire comparable en densité aux mémoires à tores, mais plus facile à fabriquer et donc moins coûteuse.
Le seul problème de ces bulles était que leur mécanisme de lecture-écriture était très contraignant et lent, ce qui leur a été fatal lorsque les mémoires à semiconducteurs sont arrivées sur le marché. Encore un coup d’épée dans l’eau.
Cela dit, il faut être honnête. Andrew Bobeck a contribué à près de 120 produits et concepts qui ont donné lieu à des brevets. Ce n’est pas rien et il mérite largement sa présence dans notre tableau d’honneur.