After Hours

Pierre de Fermat et la factorisation des entiers

Le 21-09-2025
Chapitre Personnages

Pour la plupart des gens, le nom de Fermat rappelle quelque chose, qui parfois remonte aux lointaines années d’école. Il est vrai qu’ils ont eu les plus grandes chances de le rencontrer, lui qui était à la fois juriste, mathématicien, poète, latiniste et helléniste… Excusez du peu…

Pierre de Fermat est intemporel. Bien que né en 1601, Henri IV était alors roi de France, il n’a jamais quitté le devant de la scène et encore aujourd’hui, les spécialistes de la cryptographie s’intéressent à sa méthode de factorisation des nombres entiers. Sa vie est fascinante, celle d’un homme qui a su s’inspirer des grands penseurs grecs et latins de l’antiquité et pour qui il n’y a pas de démarcation entre les grands courants philosophiques, scientifiques, religieux, etc. Il est un humaniste.

Mais plus précisément, que vient faire Pierre de Fermat dans notre tableau d’honneur ?

La raison est simple. Il est surtout connu pour sa fameuse conjecture, celle qui lui a fait écrire dans la marge d’un livre qu’il compulsait fréquemment, l’ "arithmetica" de Diophante, un mathématicien grec du IIIème siècle avant J.C, qu’il n’existait pas de valeurs de a, b et c qui permettrait de vérifier l’équation cn = an + bn, avec n > 2. Et d’ajouter qu’il avait démontré son assertion, mais qu’il manquait de place pour l’écrire dans la fameuse marge. On n’a jamais pu vérifier que Fermat disait vrai…

Ce n’est que 350 ans plus tard, en 1994, qu’un mathématicien britannique, Andrew Wiles, futur prix Turing, la démontrera, mais aura besoin pour cela de plus de 1 000 pages de calcul. On comprend mieux dès lors, pourquoi Pierre de Fermat se sentait à l’étroit…

On pourrait croire que Pierre de Fermat était un scientifique pur et dur, penché sur ses éprouvettes ou en butte à la démontrabilité de l’univers. Il n’en est rien. Dans le "civil", Pierre de Fermat était juriste et a fait toute sa carrière de magistrat dans les offices gouvernementaux de l’époque, à Bordeaux et à Toulouse, essentiellement. Il n’était donc pas mathématicien de "métier", ce qui ne nous empêche pas de le considérer aujourd’hui comme l’une des plus fines "lames" de cette spécialité.

A vrai dire, on lui doit beaucoup. L’ennui est qu’il n’a que très peu publié, hormis un important traité de géométrie, qu’il n’a d’ailleurs pas signé de son nom et que c’est dans la marge de l’ "arithmetica" qu’il faut chercher l’essentiel de ses idées.

Pour ce qui nous concerne, c’est surtout sa méthode de factorisation des nombres entiers qui retient l’attention. Et ceci pour une autre raison très concrète, que c’est sur ce principe, appliqué à des grands nombres (plusieurs centaines de chiffres), que repose la technique cryptographique RSA qui protège les banques et autres grandes organisations modernes.

Pierre de Fermat avait noté qu’il revient au même de mettre un nombre sous la forme du produit de 2 nombres entiers ou d’une différence de 2 carrés : N = x2 – y2 = (x+ y)(x – y), N étant le nombre à factoriser. 

De sorte qu’il "suffisait" de chercher la valeur de x par tâtonnement, pour laquelle y² = x² - N soit un carré parfait. On peut nous croire sur parole.

Effectivement la méthode fonctionnait, si ce n’est qu’elle n’est plus applicable aujourd’hui avec des nombres tellement élevés qu’il faudrait des centaines d’années de tâtonnement pour trouver la réponse juste.

Nous retiendrons de Pierre de Fermat qu’outre ses fulgurances mathématiques ou optiques (voir sa "synthèse pour les réfractions", où il s’oppose à René Descartes, il est l’archétype de ces personnages multi-facettes, pour qui la philosophie est en prise directe avec la science et qui sans doute aurait aujourd’hui un avis décisif sur nos réflexions sur l’intelligence et notre quête d’une AGI, l’intelligence générale.  Si quelqu’un connait son numéro de téléphone, il nous serait bien utile…