After Hours

Grace Hopper, Cobol et les "bugs" pour l’éternité

Le 14-10-2025
Chapitre Personnages

Grace Hopper fait partie de ces personnages dont on a peine à croire qu’’ils ont été jeunes, tant on a l’image de la contre-amirale un peu sévère de l’armée américaine. Mais elle a aussi créé Cobol et les "bugs" et profondément transformé la vie quotidienne de générations de programmeurs;.

Grace Hopper est l’un des grands personnages de l’informatique. C’est elle qui la première a eu l’idée d’un langage de programmation, que l’on qualifierait aujourd’hui d’évolué, car éloigné des caractéristiques physiques d’une machine, contrairement à l’assembleur et au langage machine. On lui attribue même le concept de codage et d’instructions. Ce langage a été Cobol, un coup de tonnerre dans le monde du développement. 

Mais Grace Hopper est aussi un personnage à 2 facettes.

Son côté pile, c’est l’armée et plus précisément l’US Navy où elle a fait l’essentiel de sa carrière, pour finir avec le grade de contre-amirale, par le jeu des promotions au-delà du service actif. Excusez du peu…

On en retient un personnage guindé, rigoureux, sévère, apparemment peu enclin aux plaisanteries, une militaire donc, sans que cela n’ait en rien entravé ses grandes qualités de conceptrice.

Le côté face a trait à son influence dans le monde du codage. D’autant plus étonnant qu’il était difficile d’être une femme, plus précisément dans l’équipe d’Howard Aiken à Harvard, où elle travaillait au déploiement d’un langage pour l’un des tout premiers ordinateurs de la planète, le Mark I.

La "légende" voudrait que Howard Aiken, lui-même, aurait eu quelques difficultés à admettre que Grace Hopper, pourrait parfaitement tenir le rôle de n°2, dans son équipe… uniquement constituée d’hommes.

Ce qui est sûr, c’est que sa contribution a été exemplaire, Aiken revenant très vite à des considérations sexistes moins formattées. 

C’est dans cette période que Grace Hopper s’est construit son monde et de ce point de vue notre future contre-amirale a fait très fort. En plus de Cobol, présenté en 1959, elle a inventé les subroutines, des sous-programmes réutilisables n’importe où dans un programme et quelques concepts qui seront ensuite utilisés par des millions de programmeurs.

A noter que Cobol devait beaucoup à un autre langage, FLOW-MATIC, inventé précédemment par la même Grace Hopper et dont certains des concepts ont été "récupérés" ensuite dans son compilateur Cobol.

Ayant quitté la Navy pour des questions d’âge, Grace Hopper continuera sa carrière chez EMCC ("Eckert-Mauchly Computer Corporation"), une Compagnie créée par deux autres pionniers de l’informatique débutante, Presper Eckert et John Mauchly, avec lesquels elle participera au développement de la première machine commerciale, l’UNIVAC, issue du projet EDVAC.

Mais si Grace Hopper restera dans les annales, c’est aussi pour une toute autre raison. Pour l’affaire du "bug".

On est en 1947 à l’Université d’Harvard, où Grace Hooper travaille dans l’équipe du MARK II. Après avoir constaté que son programme ne se comportait pas de manière satisfaisante, à vrai dire il faisait n’importe quoi, l’un de ses collaborateurs eut l’idée de regarder ce qui se passait à l’intérieur de la machine, pour constater qu’une petite mite s’était glissée dans les relais et avait bloqué tout le système, par quelques courts-circuits intempestifs.

Ayant validé la présence indue de l’insecte, Grace Hooper décida de donner un nom à l’événement, à savoir un "bug", ce qu’elle a consigné très officiellement dans un carnet de notes, qui ne la quittait jamais. Malheureusement, l’histoire n’a pas retenu le nom du collaborateur, ni précisé ce qui était arrivé au "bug" en question, qui de nos jours mériterait le prix Nobel des insectes, tant il a profondément marqué la vie des programmeurs.

Grace Hopper, c’est tout cela, un génie inventif, capable de toutes les audaces techniques et un personnage plein d’humour, capable de s’enthousiasmer pour des causes nouvelles, telles que le droit des femmes, qui selon elle n’avait pourtant pas besoin d’être défendu, tant elle faisait confiance à la nature humaine pour s’auto organiser. Peut-être était-elle un peu inconsciente…

Grace Hopper nous a quitté en 1992, bardée de récompenses, les américains n’étant pas avares dans ce domaine. Il ne lui manque bizarrement que le prix Turing, pourtant créé en 1966. Il faut croire que les jurés de ce prix, chargés de désigner les vainqueurs, regardaient ailleurs ou s’étaient endormis…